Le virus se répand
Mais pas celui qu’on croit :
Un virus qui s’entend
Un virus qui se voit
Un virus pénétrant
Et un virus adroit
Qui passe dans le sang
Au point le plus étroit :
Sur les chaînes d’infos
Il enfle il erre il mute
Non stop sur les réseaux
Il tue dès qu’il débute
On ne peut s’en défaire :
La rumeur millénaire
Soyons bons citoyens ne sortons pas
Soyons bons citoyens sortons voter
Soyons bons citoyens dans les deux cas
Restons pour sortir sortons pour rester
La logique en nous devra s’adapter
Aux raisonnements boiteux de l’État
Bons citoyens c’est à nous d’accepter
L’esprit disruptif du social contrat
Ô Jean-Jacques qu’eût dit votre grande âme :
« Vous voulez l’obstacle et la transparence
Vous désirez le lien et la distance
Vous cherchez le remède dans le drame »
Je ne suis pas Rousseau je dirai juste
Qu’où l’on choisit mal là le mal s’incruste
C’est l’exode immobile
L’exode sans exode
Chacun trouve un asile
Avec son digicode
La ville est dans la ville
Nulle armée n’inféode
Paris ni ne défile
Avec haine et méthode
C’est l’exode à l’envers
Il faut rentrer chez soi
En vertu de la loi
Et vivre deux hivers
Quand le printemps est là –
Cet exode m’ira !
Et enfin
Le silence
Parisien
Qui commence !
Aucun train
Plus d’urgence
Tout est plein
De distance –
Le jour fait
Moins de bruit
Que la nuit –
Tout se tait –
Quel bonheur
Dans la peur !
Les nuits sont aphones
Mais des chants vaudous
Montent jusqu’à nous
Clairs et monotones
Camés et marlous
Suivis de démones
Prient les belladones
D’apaiser leur toux
Ils sont le vestige
De l’humanité
Et ont mérité
De voir ce prodige :
Le monde désert
Qui leur est offert
Un ex-ministre est mort
Une caissière est morte
Le fléau de la sorte
Nous mettra tous d’accord
De l’humble ni du fort
Il n’est dit qu’il ressorte
Indemne par la porte
Où l’a conduit le sort
Dans Milton ou Shakespeare
Cherchez l’analogie
Mais notre temps est pire
Où la technologie
Fit oublier la mort
Et à l’humble et au fort
Le discours de la Reine
A fait pleurer la France
Retombée en enfance
Sous le coup de la peine
Toute la mise en scène
De la mâle éloquence
De notre Présidence
À côté paraît vaine
Au pays de Cromwell
Elizabeth modèle
Les cœurs et la raison
Si bien que sous la Manche
Pour elle on pleure et flanche
Au pays de Danton
Je pense à ceux et celles qui s’aiment de loin
Ayant perdu le toit commun de leur amour
Je pense à ceux et celles qui n’ont plus de train
Et qui perdant l’aller vont manquer le retour
À ceux et celles qui se disent à demain
Comme si le fléau n’était plus qu’un long jour
Un long jour où leur cœur solitaire est trop plein
Un cœur trop plein de perte en son propre séjour
Qui dirait qu’un printemps fût le temps des adieux
Qui dirait qu’un printemps fût la saison d’absence
Où deux êtres humains ne peuvent être à deux
Et où le temps s’anéantit dans la distance
Si vous aimez de loin laissez passer les heures
Et au lieu de compter ravivez les meilleures
Hello Dad
Je t’écris
de Paris
mais la terre
tout entière
est malade
J’ai pensé
à Phnom Penh
déserté
ta trentaine
commencée
Et j’égrène
le collier
de ma peine
Sans contact les paiements
Sans contact les bonjours
Sans contact les discours
Sans contact les amants
Sans contact les parents
Sans contact les secours
Sans contact sont les sourds
Sans contact les voyants
Sans contact l’accolade
Au malheureux malade
Sans contact le pleurer –
Marie de Magdala
Noli me tangere
Non ne me touche pas
Ni Pessah ni Carême
Ne sont de vains mots cette année
Et nous vivrons la traversée
Du désert sans dilemme
L’existence elle-même
Comme la manne est rationnée
Et au jardin de Gat Šmānê
Chacun prie pour qu’on l’aime
Notre monde est désert
L’âme désœuvrée s’y confine
Et le mal ne vient pas de Chine
Partout le mal appert
Et ni Pessah ni le Carême
N’ont vaincu le problème
Je suis le voyageur de la terre étrangère
Pensait-il près du puits
Combien de jours faut-il pour trouver la frontière
Combien faut-il de nuits
Après tout je suis bien ici près de mes chèvres
Que je fais boire au puits
Moi-même j’ai besoin d’eau le jour et des lèvres
De Séphora les nuits
Je suis mieux en berger dans ce pays aride
Qu’en prince préparant sa propre pyramide –
Parmi les dunes claires
Le troupeau s’éloignait Le ciel virait au rose
Le berger s’attardait Il vit que quelque chose
Brûlait entre deux pierres
Premier matin
Du renouveau
Dans le tombeau
On ne voit rien
Premier matin
Pas un Romain
Rien qu’un oiseau
Le temps est beau
Tout est serein
Premier matin
Mais où est-il ?
Nul ne l’a su
Corps volatil
Mais où est-il ?
Le vin est bu
Ô sang subtil
Il est venu
Le vin est bu
J’ai vu des CRS
Pisser contre le mur
J’ai vu le prêtre impur
Vendre son vin de messe
Et j’ai vu la mairesse
En vêtements d’azur
Prédire le futur
Parmi la foule en liesse
Les jours se font plus longs
Passerez-vous saisons ?
Finirez-vous châteaux ?
La seconde venue
Semblait très attendue
D’un messie sur les eaux
La publication du Novendécaméron a été rendue possible grâce au soutien du Groupe de recherche sur les éditions critiques en contexte numérique (GREN), du Centre interuniversitaire de recherche sur la première modernité XVIe-XVIIIe siècles (CIREM 16-18) et du Centre de recherche Cultures – Arts – Sociétés (CELAT-UQAM).
978-2-9820654-1-3
Éditions Ramures
2022 Montréal
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2022